mardi 28 août 2012

A lire : ZEN CITY de Grégoire Hervier


 
Zen City 

de Grégoire Hervier

(aux éditions Au Diable vauvert)

Dominique Dubois n'est pas un héros ; la preuve, c'est vous. C'est le Français moyen, celui qui vote où on lui dit de le faire, proprement, sans faire de vagues. Mais comme il n'a pas la « chance » d'être le fils de quelqu'un de connu ou d'avoir un nom qui résonne dans l'inconscient collectif comme une formule magique, il n'a de fait aucun pouvoir. C'est un consommateur normal, prévisible, étudiable. Autant dire qu'il a vaguement conscience de s'ennuyer dans sa vie et d'être manipulé (oh, pas méchamment, bien sûr) par des forces qui le dépassent et que, d'ailleurs, il ne lui viendrait même pas à l'idée de combattre, puisqu'elles le défendent contre... d'autres forces. Il est donc comme tout le monde ; la preuve : c'est le héros du livre.

A lire : BESTIAIRE AMAZONIEN de François Feer


Bestiaire amazonien



Bestiaire amazonien
de François Feer
(éditions Le Dilettante)


Voici quelques années, après l'invention de la « jungle urbaine » (concept justifiant le démantèlement de la culture au profit d'une sécurité peu sociale), est apparue une nouvelle sous-espèce humaine : l'homo sapiens lectorans. Celui-ci, hagard mais décidé à survivre, cherche les ultimes bons livres dans la jungle gonflée aux hormones du marketing mondial inféodé aux gras distributeurs (F1635 : goncourisone, BHL000 : romankétine, $700$ : néolibéralyse, en sont les principales représentantes). Comme tous les chercheurs hagards et décidés, c'est dans les grands moments de désespoir, tout près d'abandonner et de céder aux appels les plus clinquants, que lectorans déniche soudain la perle, le papillon rare, le parangon de ces bois méphitiques.

lundi 27 août 2012

Mon premier château en Espagne




Un jour, quand j'avais quatre ans, je faisais des pâtés dans le bac à sable de la maternelle. J'étais tout seul et je m'amusais bien ; à vrai dire, j'étais même très fier d'avoir réussi à placer un pâté parfaitement formé au-dessus de trois autres disposés en triangle. C'était sans doute ma première construction !

samedi 25 août 2012

DICTIONNAIRE DES VOYAGEURS... de François Angelier: Une encre bonne à jeter ?




Dictionnaire des Voyageurs et Explorateurs occidentaux
du XIIIe au XXe siècle
de François Angelier
(éditions Pygmalion, 2011)

L'autre jour, en visite chez mon bouquiniste favori, j'eus le regard attiré par un objet séduisant : un beau gros livre à la couverture bleue et vanille arborant une caravelle toutes voiles dehors et un bout de carte représentant l'Amérique centrale. C'était le Dictionnaire des Voyageurs et Explorateurs occidentaux (du XIIIe au XXe siècle) de François Angelier, aux éditions Pygmalion.

jeudi 23 août 2012

Chronique à lire super vite avant qu'elle ne s'épile

Livre fabriqué à la main par un être organique, doté de sentiments changeants mais reconnaissables, communicables et vivants ; espérance de vie : 5 à 10 siècles. (L'objet et sa photo ont été réalisés par Aurélie Tanguy).

Aujourd'hui, j'apprends que le progrès technologique a encore fait "progresser" l'humanité d'un cran... sans préciser dans quel sens. Il s'agit du livre à encre biodégradable.
Tu l'achètes sous vide, tu l'ouvres, l'air (ou la lumière) entre en contact avec l'encre et entame lentement son travail de sape. Deux mois plus tard, les pages sont blanches ; si tu n'as pas fini, tu es bon/ne pour le racheter. Pas mal, non ? comme "stratégie" marketing. Faut en parler à Naomi Klein, ça devrait la faire rire. Quoique.

Un coin tranquille... (Episode 21584)


UN COIN TRANQUILLE


Par une après-midi de fin novembre, ayant une heure à trucider, je décidai de la passer en buvant un café en terrasse. Il faisait un froid vif mais l'absence de vent et d'humidité le rendait supportable. J'avais surtout envie de ne pas m'enfermer dans un endroit bondé et saturé de fumée (la chose était encore possible à l'époque).
Certains bars rangeant leurs tables et leurs chaises dans leur salle principale pour la nuit, ils sont obligés de déplier leur terrasse dans la journée, même si personne ne s'en sert. J'avisai donc une superbe terrasse vide, sur l'une des places principales de la ville. Trente tables et cent-vingt chaises prenaient le froid depuis le matin, sans que nul ne songeât à les réchauffer de ses miches. Avant de m'installer sur l'une d'entre elles, je pris la précaution de me signaler au serveur, me doutant qu'il ne songerait pas à vérifier une éventuelle clientèle à l'extérieur. Puis j'allai m'asseoir à l'une des tables d'angle, tout-à-fait à gauche de l'entrée du bar.

mercredi 22 août 2012

J'ai lu : N'espérez pas vous débarrasser des livres !


N'espérez pas vous débarrasser des livres


Avant de vous parler de certains livres que j'ai lus (ou pas, si je suis d'humeur taquine), j'aimerais commencer par vous parler des livres en général, à travers un livre particulier. Il s'agit de "N'espérez pas vous débarrasser des livres", qui rassemble des entretiens entre Jean-Claude Carrière et Umberto Eco, animés par Jean-Philippe de Tonnac. En gros, ce petit ouvrage répond à la question (ou jette de l'huile sur le feu de la polémique, si vous préférez) de l'avenir des bons vieux bouquins de papier, en cette ère joyeuse du numérique balbutiant. Qu'en pensent donc ces deux grands penseurs ? (que je ne présenterai pas ici, sans quoi on y serait encore à noël).

mardi 21 août 2012

Certes, Spinoza encule Hegel ; mais qui enculait Spinoza?

Caméra de surveillance du XIIIe siècle.

Je viens de lire Les Tics... Pardon : L'éthique de Spinoza.
La proposition XI dit ceci : "Dieu, autrement dit une substance constituée par une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie, existe nécessairement."
La "démonstration" est la suivante : "Si vous le niez, concevez s'il est possible, que Dieu n'existe pas. Donc, son essence n'enveloppe pas l'existence. Or, cela est absurde : donc Dieu existe nécessairement."
Ouaouh ! Encore plus fort que Kant et sa "preuve" ontologique!  Mais si, rappelez-vous : "Dieu existe parce qu'il ne peut pas ne pas exister".

lundi 20 août 2012

Roland C. Wagner est mort...



... bon voyage, Roland, et merci de nous avoir ouvert toutes ces portes vers ailleurs.

Les "pros" font le "poing" sur le livre "numérique"



Compte rendu de la journée d'information
sur le livre numérique du 28 mars 2012
(Nîmes, carré d'art)








A cause d'un rendez-vous administratif matinal1, j'arrive en retard, vers 10h45. L'intervention des deux membres de la SGDL, prévue à 11 heures, est pourtant déjà entamée ! Ils sont en train de rendre compte de l'action de concertation de leur organisme, notamment en matière de négociations des droits entre auteurs et éditeurs (lesquels seront désormais appelés ici les A et les É).

Le Chant des voisins





Voisin qui as un beau jardin
ou bien un lit à baldaquin
dedans tu as mis un chien
c’est bien, c’est bien
et même mieux : c’est pas rien





Voisin qui, dans ton jardin
ou dans ton lit à baldaquin
as mis un bon gros chien
tu laisses la garde de tes biens
à ton chien

samedi 18 août 2012

A l'attention de M. le Députain





Monsieur le députain
(version française)


En 1990, je bullais dans un stage. Un intervenant (moustachu, chauve et 3-pièces+cravate) vint nous causer de la future Europe. Il présenta cartes et diagrammes ; il n'avait rien à faire dans une formation professionnelle mais le faisait très bien. En sortant un magnétophone, il nous "informa" que l'Europe avait un hymne "officiel", l'Hymne à la joie de Beethoven, et que, comme tous les hymnes, celui-ci s'écoutait debout. Incrédule, je vis dix de mes onze camarades se lever ; la onzième hésita puis se leva quand même. Le cravaté me toisa alors : « Je disais : cela s'écoute debout ». Je l'informai démocratiquement : « Je ne me lève pas pour les hymnes. » « Ah, oui ? glapit-il. Eh bien, pas loin d'ici, il y a des gens qui se lèvent pour la Coupo Santo ! » Puis il poussa le volume à fond. J'hésitai alors à m'emparer de l'engin nasillard pour le fracasser contre un mur ; mais d'abord, j'aurais dû me lever, et le costumé en aurait conçu un bref sentiment de triomphe ; ensuite, je me souvins que Beethoven était mort sourd, ce qui est la plus belle des bénédictions pour un musicien ; enfin, j'avais compris que la stupidité insondable de sa repartie était de la rhétorique pure, du concentré de sectarisme crétin, bref, de la connardise absolue. J'avais rencontré mon premier lobbyiste, un de ces ânes bâtés sans qui les idéologies ne parviendraient jamais à s'imposer aux peuples, et certainement futur députain (voulais-je dire "député européen" ?). Le supplice se prolongea. Je regardais mes drougs bien dressés. Une seule finit par se rasseoir, peu avant la fin, celle qui avait hésité. Douze ans plus tard, les banquiers européens s'engraissaient sur le dos des peuples en "imposant" l'euro (au double sens du terme).
Vas-y, Ludwig, fais-nous pleurer de joie ! Moi, il y a longtemps que je me suis défoncé les tympans médiatiques.

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Maurice Dantec ou l'art du raccourci


Aujourd'hui, plus par désoeuvrement qu'autre chose, j'ai ouvert un livre de Maurice G. Dantec, Le théâtre des opérations (journal métaphysique et polémique). Je voulais peut-être lui donner une seconde chance ; je me souvenais d'avoir lu Les racines du mal il y a longtemps, et de n'en avoir pas retiré grand-chose (ah, si ! J'avais bien rigolé avec les "écheveaux de frise").
Pour ma première pêche, je suis tombé sur ce passage (p. 39) :
"La différence entre la démocratie en Europe et en Amérique [...] : pour l'une la démocratie capitaliste industrielle est la ligne d'arrivée d'une longue course de deux mille ans, pour l'autre c'est la ligne de départ. C'est pour cette raison que je me suis exilé en Amérique. Elle est le seul endroit sur cette Terre où la démocratie puisse être dépassée." (C'est lui qui souligne).
J'ai rapidement lu la page suivante pour voir s'il expliquait comment on passe directement du capitalisme à la démocratie ; ça n'y était pas. J'ai cru qu'il l'avait expliqué avant et j'ai lu la page précédente ; ça n'y était pas non plus.
J'en ai déduit que M. Dantec croit plusieurs choses : que le capitalisme a commencé en même temps que le christianisme ; que l'économie libérale engendre fatalement la démocratie (il a un alibi : son argument date d'avant le 11/09/2001) ; et que ses lecteurs ne voient pas le sparadrap et les élastiques qui maintiennent tant bien que mal ses constructions mentales.
J'ai préféré laisser le livre (et son auteur) se reposer et me suis plongé aussi sec dans une bonne vieille utopie, L'histoire des Sévarambes de Denis Veiras (ou Vairasse) ; lui, au moins, n'était pas stressé par le bogue de l'an 2000.

vendredi 17 août 2012

Révélation au Groland : l'aïeul de Michael Kael découvert


Grâce à des recherches linguistiques vachement poussées, on a découvert récemment un lien primordial entre la Présipauté de Groland et l'un des plus grands philosophes de l'histoire de l'humanité. Suivez bien le raisonnement, c'est pas évident :

En hébreu, Baruch signifie "béni", ce qui se traduit par Benedictus en latin et a donné Benoît en français.
Bon.

jeudi 16 août 2012

REAMDE de Neal Stephenson

Schéma de l'intrigue

Reamde
roman de Neal Stephenson


« Limez-zoi, ou il vous en cuira ! »





Avertissement du blogueur : cette chronique raconte tout le livre, et même plus.

Trois ans à peine après le sublimissime Anathem (dont la traduction en français est actuellement perdue dans les limbes éditoriales d'un éditeur que je ne nommerai pas, de peur de créer un caillot sur votre écran), Neal Stephenson revient à l'assaut avec un autre pavé de plus de mille pages, au titre mystérieux quoique-pas-tant-que-ça-pour-peu-qu'on-y-réfléchisse : Reamde. Non, non, ce n'est pas une faute ; ou plutôt si, c'en est une, mais elle a été voulue par l'auteur (c'est-à-dire que, pour une fois, ce n'est pas l'éditeur qui s'est gouré). Il faut donc bel et bien... lire Reamde !

lundi 13 août 2012

Merci, Chirac ! (Je plaisante...)

Un soir, quand j'avais vingt-trois ans, en rentrant chez nous avec ma compagne, nous avons croisé un groupe de bidasses en virée. La largeur de la rue aurait pu nous permettre de les éviter soigneusement. Mais l'un d'eux préféra se détacher du groupe, vint vers nous et se mit à beugler : « Ta meuf, elle a un de ces culs, j'y foutrais bien ma pine ! »

Puis il a continué son chemin, sans être renversé par un bus ni puni par Superman, sous les ricanements approbateurs de ses quinze camarades à forme humaine.

Sept ans plus tard, l'individu Chirac nous débarrassait enfin de l'engeance répugnante des troufions et les reversait au chômage national, tout en reprenant les essais nucléaires dans le Pacifique pour faire plaisir à ses potes militaires et scientifiques, au mépris de la volonté internationale et des populations locales. Encore un qui crèvera vieux, dans son lit, milliardaire et entouré de l'affection des siens...

Beurk !


Marcel Gotlieb (copyright 1970)

vendredi 10 août 2012

SLAM de Mark Levin

Slam est plus grand qu'un film. C'est un obélisque surgi du sol au beau milieu d'une piste olympique que le fantôme de Jesse Owens est venu percuter de plein fouet. Soixante ans après, le poing s'est abattu plusieurs fois, pas toujours sur les bonnes cibles, peut-être. Mais existait-il une cible pour ce poing-là ? Slam parle de courage envers soi-même, de cette volonté qui consiste à vivre selon sa conscience, et non à se défendre en attaquant le monde extérieur, sous prétexte que c'est forcément lui qui a tort.

jeudi 9 août 2012

Le club de l'existence






Bienvenue au Club de l’Existence







Chers membres du club de l’existence
Vous êtes allés voter sans résistance.
Petit peuple à-fond-la-France
Tu es allé voter pour pas-de-chance.
Petits héros sans parti pris
Vous avez fait la queue devant les isoloires de la démocratie
Pour expliquer encore un coup qu’il y a du bon, chez Berlusconi
Pour prouver une fois de plus que Hitler avait tout compris
Pour clamer bien haut qu’on a tort de faire l’affine-Bush.
Petit peuple de France à la liberté qui craque
Tu as toujours eu un faible pour les hommes
A têtes de chapeau-claque
« Napoléon-bicorne a sauvé la France ! »
« Képi-de Gaulle a sauvé la France ! »
Et Chirac, alors, c’est sa calvitie ?
Ou Sarkozy, sa moumoute ?
On aurait pu avoir Jaurès, quand même –
C’est con de lui avoir fait sauter le gibus.

vendredi 3 août 2012

Théâtre de Rue : Faunèmes par L'éléphant vert

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Photo DR



Faunèmes

un spectacle de la Compagnie

l’éléphant vert




Tremblement de taire




L
es enfants japonais connaissent depuis longtemps ces poupées sans jambes dont le fond est plombé, les Daruma. Nous les avons appelées Culbuto.

 C'est peut-être une coïncidanse, mais au premier regard, les Faunèmes ne semblent pas avoir de jambes non plus. Ils font penser à des derviches de cuir. Un rien les bouscule ; mais ce rien, il faudrait être sourd pour ne pas voir d’où il vient. Ce rien leur fait tourner la tête comme un parfum capital. A petits coups de nuque, ils auscultent la rue, leur domaine. Ils la mesurent. Ils calculent son volume. Et quand ils l’ont bien jaugée, ils l’envahissongent, comme des chimères à la trompe raffinée.